La station sanitaire et la salle des étuves
Contexte historique
Construit dans l’ancienne station sanitaire érigée par les architectes Champollion, Fernand Pouillon et René Egger en 1948, se trouve depuis 2013 le Musée Regard de Provence. La station est intimement liée à Marseille et à son port, ayant été l’une des principales portes d’entrée et le point de départ des voyageurs et immigrants arrivant par les voies maritimes et aériennes.
Marseille a de longues dates, besoin de protection face aux grandes épidémies, retour sur la quarantaine, les mobilités « utiles » à la ville et son économie.
La Station Sanitaire Maritime de Marseille est avant tout une machine, moins à guérir qu’à diagnostiquer les éventuels cas suspects risquant d’être à l’origine d’une épidémie. On est en 1945, dans un nouvel univers médical : celui des vaccins, des antibiotiques et du dichlorodiphényltrichloroéthane autrement dit DDT puissant insecticide aujourd’hui interdit d’usage en Europe. Il en ressort une conception de circuits fonctionnels très différenciés dont la résolution passionnera les architectes.
Ce bâtiment fut construit entre 1946 et 1947 par les architectes de la reconstruction d’après guerre, Fernand Pouillon aidé de Champollion et René Egger. Il est la propriété de l’Etat et est géré par la DDASS. Ce bâtiment est actuellement menacé de démolition dans le cadre des aménagements d’Euroméditerranée. Sa sauvegarde est soutenue notamment par l’architecte et académicien Claude Parent voir sa lettre de soutien et une pétition qui a recueilli près de 1400 signatures a permis de sauvegarder la station. L’annonce est officielle depuis le 18 janvier 2011 : la station sanitaire va accueille l’association Regards de Provence qui possède une collection de peintures.
En 1947, la station sanitaire du port de Marseille servit de lieu d’accueil aux immigrés.
Ce bâtiment a été édifié dans le but de pallier les manques de structure d’accueil préventive et de soins pour une population venant essentiellement de l’Orient et pour contrôler ainsi de façon plus sûre une éventuelle épidémie amenée par voie de mer et par la multiplication et l’extension des communications aériennes.
C’est bien une machine de contrôle sanitaire qui est en place ; douches et chambre à gaz devaient faire de sinistres échos en 1948, pourtant les promoteurs insistent sur le souci d’éviter aux usagers toute impression de brimade ou d’humiliation. C’est sans doute ici que les architectes ont le mieux réussi dans la transformation de la machinerie en un espace d’hospitalité, d’accueil, ménageant un certain confort, proche du style paquebot où l’ambiance l’emporte sur la seule technique.
En 1951, l’OMS produit un Règlement Sanitaire International qui décrit les cinq maladies sous surveillance internationale : peste, choléra, variole, fièvres jaunes et typhus. Le contrôle sera essentiellement administratif avec la vérification des carnets de vaccinations.
Par ailleurs, les contrôles de santé étaient plutôt prévus pour des passagers d’extrême orient venant plutôt d’Indochine, la fin de la guerre en 1954 marque aussi la fin de l’immigration vietnamienne.
De fait la Station Sanitaire, qui se voulait un prototype aura très peu servi. A l’exception d’une alerte au début des années soixante-dix, rien ne troublera le tableau épidémiologique marseillais. Elle n’a pas été utilisée par des groupes et se révèlera manquer de souplesse pour un fonctionnement individuel. Son rôle restera limité à la désinsectisation de personnes vivant des conditions insalubres ; la chambre à gaz recevra surtout les matelas de collectivités locales. En attendant une situation d’épidémie qui aurait justifié son fonctionnement, elle sera entretenue jusqu’en 1970, date à laquelle le réseau des canalisations ne sera plus réparé. Tout cela fait que la Station Sanitaire ne sera pas ou très peu utilisée : d’où l’état exceptionnel des étuves et autres éléments de serrurerie qui ne portent pas le moindre point de rouille.
Approche critique
– musée Regards de Provence
Auteurs et autrices
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CHABANI Samia
Coordinatrice générale d’Ancrages, journaliste Diasporik
Pour citer
(2025). “La station sanitaire et la salle des étuves”, Mars Imperium (https://marsimperium.org/la-station-sanitaire-et-la-salle-des-etuves), page consultée le 6 avril 2025, RIS, BibTeX.